FAUT-IL REFONDER LA GAUCHE LOCALE ?
Le 9 mars 2008, à Épinay, le candidat de toutes les droites réunies, et parce qu’il a pu réunir les trois droites locales (FN, UMP et MoDem), a été réélu, au premier tour, avec 60, 33 % des voix « sorties » des urnes. Pour notre ville, il s’agit d’un événement, au sens littéral du mot, dans la mesure où, pour la première fois, d’une part, la gauche locale a été défaite dès le premier tour, et, d’autre part, la section socialiste réalise son score électoral le plus bas. Au reste, ces deux faits sont intimement liés. En effet, cet effondrement de la gauche locale est d’abord et surtout celui de sa composante (jusque-là) principale : la section socialiste d’Épinay qui, à la tête de la « gauche (dite) rassemblée », fait à peine 19 %, déduction faite (bien évidemment) de la représentation électorale de la cellule communiste (4 %), du comité de base du Mouvement Républicain et Citoyen (3,5 %), des Verts & Alternatifs (3,5 %), de l’Extrême gauche (1,5 %), du PRG (0,5) et de MARS (0,5 %). Ce fait est d’autant plus frappant, qu’il vient à contre courant de toute l’évolution politique de la Seine Saint Denis où l’on assiste à un renforcement de la gauche. D’autant que si l’abstention à Épinay a été importante (46 %), elle repose essentiellement sur l’immobilisation de l’électorat de gauche au premier tour, phénomène désormais chronique, puisqu’il advient pour la troisième consécutive (législatives de 2002, cantonales de 2004 et municipales 2008).
Face à cette situation, les principaux leaders de la gauche locale doivent interroger leur pratique politique, réévaluer le sens de leur engagement public, questionner leurs divergences internes (conduisant à des désastres continus) et envisager de refonder la gauche locale. Car, les raisons subjectives (conflits des leaders) déterminent à présent les causes objectives (erreurs stratégiques, absence de projet et de programme, faiblesse de mobilisation) des défaites.
Certes, la victoire des trois droites locales (alliées à une partie des forces fabusiennes) est sans conteste. Sauf à émettre de très fortes réserves sur le « clientélisme politique » jamais égalé (sur-marchandisation des votes), l’usage massif des procurations (près de 1.000 obtenues dans de surprenantes conditions) et l’utilisation abusive (à la limite de la légalité) des moyens financiers (dons, aides, cocktails, réceptions, etc.), matériels (transport direct d’électeurs à la soviétique, etc.) et humains (équipes de rabattage, promotions professionnelles et promesses d’embauche). Lorsqu’elles sont de la sorte dévoyées, les Institutions publiques ressortent toujours affaiblies. Mais, quoique répréhensibles, il s’agit d’usages admis (tolérés) et, de toute façon, l’essentiel de la défaite réside d’autres causes.
À observer de près les résultats du 9 mars 2008, la victoire des trois droites est la conséquence mécanique (directe) de l’éclatement des gauches locales, vieux processus historique amorcé en 1993 (défaite de Gilbert Bonnemaison aux législatives) et apparu au grand jour, en 1995, avec le retrait très mal préparé de Gilbert Bonnemaison. Et ce processus, depuis lors, n’a cessé d’aller s’amplifiant. Autrement dit, la victoire des trois droites spinassiennes n’est que l’envers ou l’obverse de ce processus, auquel il convient à présent de mettre un terme définitif.
En réalité, cette victoire n’a rien d’extraordinaire. Que l’on se souvienne des Législatives de 2002 où, contre Bruno Leroux, député sortant, Hervé Chevreau avait fait 57, 35 % des voix sur Épinay. Et, six ans après, malgré toute la débauche de moyens mis en œuvre pour ces municipales, il ne fait que 60,33 %, soit une progression réelle de 2 % à peine. Or, si Serge Méry, Pierre Franklin Tavares et Bruno Leroux avaient établi un accord politique, ces 60 % plafonneraient à 42 %. Dans notre ville, la gauche locale est sociologiquement majoritaire et politiquement minoritaire, en raison de ses divisions internes.
Question décisive : la gauche locale a-t-elle atteint le stade ultime de sa désagrégation politique, sociologique et historique ? Si la réponse est non, alors il y a fort à parier que le Canton (2010) et la Circonscription (2012) tomberont, de façon stupide, dans l’escarcelle de trois droites réunies.
Ainsi, la cause explicative des défaites consiste en l’hostilité (personnelle) existante entre les principaux leaders de la gauche locale, dont le principal bénéficiaire est le candidat des trois droites. Il ne sert donc à rien de « rassembler », là où il s’agit de refonder la gauche locale sur des bases saines et nouvelles : fin des conflits personnels, juste répartition des pouvoirs (candidature unique à chaque élection) et élaboration d’une sorte de « programme de gauche » pour la gestion de chaque institution. À défaut, tous les pouvoirs passeront, inexorablement, l’un après l’autre, à droite.
Quant au fond, il existe une différence majeure entre « rassembler » et « refonder ». Rassembler indique l’acte (politique) de mettre ensemble des éléments épars. Par exemple, des groupes de personnes de partis différents pour en faire un rassemblement. Refonder, lui, dit autre chose. Il dit essentiellement l’acte de répéter le fond, la fondation. Seul refonder peut mettre un terme définitif à la lente érosion de la gauche locale et la ramener aux affaires.
À la « réunion » des trois droites spinassiennes (F.N, UMP et MoDem), il faut opposer la « refondation » des gauches locales. Aussi, très bientôt, je prendrai l’initiative de rencontrer Bruno Leroux, Serge Méry, Majid Challal et tous les autres leaders de gauche locale, afin de discuter de la sauvegarde du Canton (2010) et de la Circonscription (2012) et, ainsi, préparer les Municipales de 2014 en vue du retour triomphale de la gauche.
Pierre Franklin Tavares